Plaidoyer en faveur d’une compréhension plus large de la rentabilité et d’une définition plus étroite de l’ESG

(Prashant Mara et Pratik Bakshi)

Les conseils d’administration, les analystes, les actionnaires, la société civile, les régulateurs et les agences de relations publiques sont en ébullition. ESG est le nouveau mot à la mode et il faut le mentionner dans les rapports annuels. Tout le monde semble vouloir sauter dans le train en marche, ce qui est formidable, mais l’éléphant dans la pièce est le coût pour atteindre ces objectifs évolutifs et amorphes qui font partie de l’ensemble « ESG » ainsi que la réalité de la mise en œuvre de l’ESG (la concrétisation de l’ESG – faute de meilleur terme).

Cet article soutient que bien que la rentabilité et la “concrétisation” de l’ESG, à première vue, semblent tirer les entreprises dans des directions opposées, l’utopie est atteinte lorsque ce n’est plus le cas. Cet article soutient en outre que le chemin vers cette utopie est également moins radical que ce que la plupart des campagnes de relations publiques sur l’ESG nous laisseraient croire. 

Nous présenter l’ESG comme une révélation heureuse, que les PDG en cols roulés ont soudainement découvert, c’est très bien pour le branding de l’entreprise. 

Mais la concrétisation de l’ESG est dans les faits beaucoup plus banale et existe depuis de nombreuses années. De même, le concept de rentabilité avec pour objectif de bénéficier à l‘ensemble des parties prenantes existe depuis des décennies.

Une compréhension plus large de la rentabilité.

Un article du cabinet d’avocats américain Wachtell, Lipton, Rosen & Katz résume très bien la position sur la rentabilité. Nous attirons votre attention sur le concept de “valeur durable à long terme”, dont parlent les auteurs de cet article. En règle générale, cela devrait déjà être au cœur de toute organisation bien gérée. Mais des exemples récents comme FTX, Theranos, Stayzilla et plusieurs autres entreprises financées par des VC de la nouvelle ère ne le sont clairement pas. En contraste, des entreprises telles qu’IBM et Tata, qui ont traditionnellement adopté les meilleures pratiques environnementales, sont socialement conscientes et axées sur la gouvernance (très similaires aux nouveaux principes ESG), restent au sommet de leurs secteurs respectifs. Ce sont des exemples de longue date qui démontrent qu’adopter une compréhension plus large de la notion de rentabilité à long terme a bien fonctionné pour les entreprises.

Une définition rationalisée de l’ESG

Pour offrir une valeur durable à long terme à ses « parties prenantes », une entreprise doit être bien gérée. Cela signifie qu’elle doit mener ses activités de manière à créer de la valeur pour les générations à venir, au-delà des actionnaires actuels. La mise en œuvre de l’ESG force de plus en plus les entreprises à reconnaître que toutes les personnes dans le monde sont potentiellement des parties prenantes. Bien que cela puisse sembler surprenant, cela ne devrait pas l’être.

L’ESG ne relève pas d’une invention à partir de zéro, mais s’appuie sur des pratiques et des concepts antérieurs tels que les contrôles d’émissions, l’approvisionnement durable, les évaluations d’impact environnemental, la santé et la sécurité environnementale (EHS) et la responsabilité sociale des entreprises (RSE).

Par conséquent, les éléments nécessaires sont déjà là – réglementations, codes de conduite, déclarations de vision/mission des entreprises, normes environnementales, outils technologiques, etc. Il existe des directives pour établir des normes de gestion des risques, telles que la doctrine Caremark, la doctrine de la confiance publique et le principe du pollueur-payeur. Ces directives aident à évaluer et à réduire les risques associés aux activités des entreprises.

Avant l’émergence de l’ESG, les entreprises étaient invitées à adopter des comportements responsables sans que cela ne soit lié à des risques ou des opportunités commerciales. Ce qui rend l’ESG unique, c’est que les entreprises l’utilisent pour évaluer les risques et les opportunités liés à leur activité. Cette approche trouve davantage d’écho auprès de la communauté des affaires. Si certaines entreprises utilisent déjà ces outils, elles atteignent déjà les objectifs fondamentaux de l’ESG.

Alors, que manque-t-il?

Ce qui manque, c’est un reporting “réel”, une responsabilisation et des conséquences concrètes en cas de non-respect des règles.

Cela ne sera pas atteint avec des remises de prix, des rapports annuels ou des conférences. Il est impératif de réaliser une cartographie rigoureuse des normes existantes et des standards de gestion des risques existants pour vérifier leur application effective par les entreprises et corriger tout écart constaté.

Encore une fois, ce n’est pas nouveau, mais peut-être que la focalisation sur l’ESG incitera un plus grand nombre d’entreprises à se conformer réellement ? Les réglementations partout dans le monde (en particulier en Europe) évoquent désormais des conséquences réelles en cas de non-conformité. Reste à voir si cela encouragera la conformité ou si cela se résumera à une simple case à cocher.

De même, pour l’évaluation et la gestion des risques, les conseils d’administration, les auditeurs, les juristes devront tenir compte des “conséquences” ESG, ce qui pourrait influencer les rapports et les décisions basées sur ces rapports. 

Bien que la conformité ESG (une réglementation déjà existante repackagée) ait été introduite dans de nouvelles règlementations, l’évaluation et la gestion des risques sont difficiles à transposer dans des normes prescriptives. À moins que la direction des entreprises n’adopte cela comme une partie intégrante de leur processus décisionnel (sur la base de normes déjà existantes), il sera difficile de les définir clairement. Cela reste le point faible de la concrétisation de l’ESG.

Utopie

Nous pensons que la plupart des principes de l’ESG qui circulent actuellement ne sont pas nouveaux. Ce qui est nouveau, c’est que les entreprises sont de plus en plus jugées sur ce point, non seulement par les organismes régulateurs, les tribunaux, mais aussi par la société. 

Il y a un risque que la mise en œuvre de l’ESG devienne une opération de communication, sans évaluation concrète et sans conséquences réelles. 

Pour que les principes ESG (qui existent depuis des décennies)

s’intègrent réellement dans les décisions de gestion des entreprises, il est essentiel que celles-ci les considèrent comme faisant partie de leur ADN d’entreprise (comme le font déjà certaines depuis très longtemps). 

Lorsque les marchés valorisent ces entreprises qui « concrétisent l’ESG » (ou décotent celles qui n’appliquent pas l’ESG) sur la base de critères tangibles, c’est alors qu’il y a une véritable convergence entre des forces apparemment opposées que sont la mise en œuvre de l’ESG et de la rentabilité.

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